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Lorsqu’on quitte la Yougoslavie pour la Grèce, le bleu – la couleur des Balkans – vous suit, mais il change de nature ; on passe d’un bleu nuit un peu sourd à un bleu marin d’une intense gaité, qui agit sur les nerfs comme de la caféine. Et c’est heureux, parce que le rythme des conversations et des échanges s’est beaucoup précipité. On avait pris l’habitude d’expliquer lentement – et plutôt deux fois qu’une en s’attardant sur les mots le temps que la compréhension chemine. Dès la frontière c’est superflu : l’interlocuteur vous interrompt au milieu des phrases d’un geste impatient – il est au fait – et vous parlez encore, qu’il s’est déjà lancé dans l’espèce de pantomime emportée qui contient sa réponse.

— L'Usage du monde, p. 139, Collection Quarto, Éditions Gallimard, 2004