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L’Afghanistan n’a pas de chemin de fer, mais quelques routes de terre battue dont l’usage est de médire. Je n’y souscrirai pas. Celle qui monte de Kandahar à Kaboul est semé de crottin frais, marques de sabots et de ces empreintes de chameaux qui font dans la poussière de larges trèfles à quatre feuilles. Elle chemine entre d’amples versants étendus sous un ciel d’altitude. L’air de septembre est transparent, la vue porte loin, et ce qui domine c’est un vif brun montagnard tranché ça et là par un vol de perdrix, un bouquet de peuplier dont chaque feuille se dessine, les fumées d’un village. Aux endroits où l’eau le permet, des arbres rabougris bordent la route ; on roule alors sur un tapis de nèfles, de petites poires jaunies qu’on écrase, qui sentent, et dont l’odeur véhémente suffit pour transformer ces solitudes en campagne

— L'Usage du monde, p. 345-346, Collection Quarto, Éditions Gallimard, 2004