Deux jours plus tard, vers midi, il y eut une étrange lueur au nord dans le ciel et nous apprîmes qu’un malheur, sur la nature duquel circulaient toute sortes de rumeurs, avait frappé Hiroshima. Nous avons gagné la ville à pied mon frère et moi. Bien avant les faubourgs le ciel était gris de suie en suspension. La terre était encore chaude. À l’endroit où se trouvait autrefois l’hôpital, une pancarte barbouillée par les médecins survivants donnait rendez-vous à vingt jours de là aux familles des malades et du personnel disparu, et recommandait de s’éloigner au plus vite. C’est la première fois que j’ai lu en japonais le mot « radiations ». Du cœur des ruines montait le ronflement des grillons et des cigales, bien plus résistants que nous, qui agonisait en chantant.
— Chronique japonaise, p. 562, Collection Quarto, Éditions Gallimard, 2004