Il y a à Kaboul un petit musée admirable où l’on expose les trouvailles des archéologues français qui, depuis la proclamation d’indépendance, fouillent en Afghanistan. D’autres objets aussi. Un peu de tout : des fragments de collections, une belette empaillée, des monnaies qu’on retrouve en réparant les égouts, du cristal de roche, des monnaies qu’on retrouve en réparant les égouts, du cristal de roche. Au rez-de-chaussée, dans une vitrine en retrait et consacrée aux costumes, on pouvait voir en 1954, entre une jupe de plumes maori et un manteau de berger du Sin-kiang, un pull-over assez commun portant l’indication « Irlande » , ou peut-être « Balkans ». Rouge aniline, tricoté main sans doute, mais un pull-over… Mon Dieu ! tel qu’on en voit chez nous dans le tram octobre venu. Mis là par inadvertance ? J’espère bien que non ! Bref, je l’ai regardé longuement, avec un œil nouveau et je confesse que d’un point de vue objectif, la civilisation représentée par cette camisole lie-de-vin faisait pauvre figure à côté des plumes de paradisier et la pelisse kazakh. Décemment on ne pouvait que s’en désoler. On n’était en tout cas guère tenté d’aller voir le pays où les gens portaient « ça ».
— L'Usage du monde, p. 354, Collection Quarto, Éditions Gallimard, 2004