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J’ai repris ce matin celle de mes amis. Ils ont passé trois mois ici à peindre dans l’amour neuf, les couleurs folles et les rires, ont exposé à la capitale dans l’indifférence et la torpeur, ont regagné l’Europe, étrillés par le climat, pour aller mettre au sec dans nos sourds cantons de belle herbe les trésors polychromes récoltés ici. Avant qu’ils ne pourrissent. Sont repartis amaigris, l’œil strié de jaune, les nerfs à bout. Ils m’ont laissé comme viatique : Une petite toile où un paquebot fout le camp en balançant une poupe maternelle et des cheminées fortement cerclées de noir et de terre de Sienne, telles qu’on en verra tant qu’un enfant pourra tenir un crayon de couleur. (…)

— Le Poisson-scorpion, p. 738, Collection Quarto, Éditions Gallimard, 2004